Transition énergétique et démocratie

Introduction
Avec le dossier de la transition énergétique nous assistons à une mise à l’épreuve inédite de nos sociétés démocratiques. Comme on l’a vu à la COP26 de Glasgow, les gouvernements prennent des engagements, mais n’arrivent pas à les mettre en œuvre. Dans certains pays, il n’y a même pas de consensus sur la stratégie à suivre…
La menace est que certains, comme James Lovelock, proposent vu la gravité de la situation de mettre la démocratie à l’arrêt le temps de prendre les bonnes décisions. D’autres, comme Bill Gates, estiment qu’il faut laisser faire les entrepreneurs animés de bonnes intentions plutôt que les Etats. Certains citoyens en viennent même à envier la Chine de pouvoir imposer des décisions impopulaires à sa population.
En fait ce dossier est un révélateur de l’urgence de repenser le modèle démocratique, pour restaurer le dialogue et la confiance entre les citoyens, les experts et les gouvernements. Et pour cela il faut que le modèle démocratique soit repensé pour donner plus de place au citoyen.
Défauts du système démocratique actuel
Les systèmes démocratiques qui ont été mis en place au cours de l’histoire constituent une avancée majeure pour la gouvernance des sociétés humaines. Mais leur défaut majeur est qu’ils reposent toujours sur le principe que le droit de décision revient à une majorité de la population. Il s’agit donc d’une certaine façon d’une dictature de la majorité, comme le craignait déjà Tocqueville.
Bien sûr, ce défaut a été compensé par divers mécanismes destinés à prendre en compte les minorités. Et parmi ceux-ci, il y a le principe de la subsidiarité. Celui-ci veut qu’une décision se prenne au bon niveau de pouvoir, pas par une autorité supérieure peu concernée par la problématique. Cela permet par exemple d’éviter que des décisions sur l’aménagement d’un territoire soient prises par une majorité de personnes qui n’y habitent pas !
Mais il y a un autre défaut inhérent aux systèmes démocratiques actuels, c’est qu’ils reposent sur la délégation de pouvoir à un groupe représentatif de la population, qui le conserve durant 4 ans. Cette démocratie dite représentative a bien sûr permis le développement de nos sociétés modernes, mais il s’agit malgré tout d’une confiscation du pouvoir.
Et les effets pervers de cette confiscation du pouvoir engendrent la frustration d’une partie croissante de la population. Celle-ci a en effet aujourd’hui accès à une information complète et indépendante des médias liés au pouvoir en place. Et elle se rend mieux compte de l’absurdité de certaines décisions prises par les personnes élues. Elle réclame aujourd’hui de pouvoir participer aux décisions.
Expériences d’assemblées participatives
Sous la pression de cette population, les politiques ont accepté de laisser des assemblées citoyennes trouver des solutions aux problèmes sociétaux qu’eux-mêmes n’arrivaient pas à résoudre, et sans réel portée pour les institutions démocratiques. Et cela a marché ! Les assemblées participatives ont réussi à faire des propositions raisonnables et cohérentes, ce qui constituait une preuve que ce type de problèmes gagnait à sortir de la logique des compromis de la classe politique. Les exemples les plus frappants ont été fournis par la Convention Constitutionnelle irlandaise (2012-2015) et le G1000 en Belgique (2012).
Aujourd’hui, les Assemblées Participatives de citoyens sont presque devenues incontournables pour la prise de décision en matière de climat, et la qualité de leur travail est impressionnante. Les 2 exemples les plus fameux sont la Convention Citoyenne en France (2019-2020) et la Climate Assembly UK (2020). Celles-ci ont réussi à proposer un ensemble de mesures cohérents sans influence d’aucun dogme et sans pression d’aucun lobby.
Bien sûr nous n’en sommes qu’aux balbutiements de ce type de débats démocratiques, et des leçons doivent être tirées de ces expériences pour pouvoir les généraliser. Et la plus importante c’est la transformation des mesures proposées par les assemblées citoyennes en textes législatifs ou règlementaires.
Vers une démocratie participative
En partant des expériences évoquées ci-dessus, on constate que la raison d’être de ces assemblées a toujours été de proposer des solutions pour résoudre des problèmes qui touchent à l’ensemble de la société, et qui impactent son futur.
Pourquoi ne pas ajouter au principe de subsidiarité chère à la démocratie représentative actuelle, qui est de nature géographique, un principe de subsidiarité de nature temporelle ? Celui-ci imposerait que des décisions qui concernent de périodes qui dépassent la portée d’une législature et donc le champ d’action du pouvoir en place, ne puissent être prise que par consultation de la population.
Les représentants élus de la population conserveraient leurs prérogatives, mais sur une période qui n’excèderait pas la durée de leur mandat. Ils garderaient ainsi la responsabilité du budget et des finances de l’Etat, de la politique de santé, du bon fonctionnement des administrations. Mais seules des Assemblées Citoyennes pourraient auraient le pouvoir d’engager la société sur le long terme.
Application aux décisions d’implantation des éoliennes
La décision en matière d’implantation des nouveaux champs d’éoliennes rentre parfaitement dans ce modèle. Il s’agit en effet d’une décision qui impacte la population sur le long terme, puisqu’on parle d’une durée d’exploitation de 20 ans et plus.
Et selon le principe de subsidiarité géographique, ce serait à la population concernée, c’est-à-dire aux habitants des zones où cette implantation est projetée, à participer aux assemblées participatives au côté des autres parties prenantes du dossier (les administrations, les entrepreneurs…). Techniquement, les décisions de ces assemblées participatives seraient prises sur le « mode participatif ». Sans entrer ici dans la technique de la gouvernance participative, l’avantage de ce mode est que les décisions y sont prises sur base du consentement volontaire et pas du consensus de l’assemblée.
L’avantage de cette procédure c’est que toutes les parties prenantes sont sur un pied d’égalité et que les décisions ne sont prises qu’au moment où plus personne n’a d’objection motivée par rapport aux propositions faites…


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